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BAYAKOU: le métier de la honte

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On dit généralement qu’il n’y a pas de sot métier. Mais si on exerce le métier de Bayakou, on n'éprouve naturellement aucune fierté d'en parler ni d'être surpris à l'œuvre tant par ses parents que par ses amis proches. Même après l'exécution d'une telle tâche, on évite surtout de se promener dans son accoutrement de travail pour ne pas se faire railler, voire discriminer avec toutes les conséquences y afférentes. Déjà, dans l'imaginaire haïtien, se faire traiter de bayakou est l’un des injures les plus rabaissants qui existe. Pourtant, en dépit des préjugés qui entourent la pratique de ce métier, le service que fournit les Bayakous est indispensable dans un pays où les infrastructures sanitaires sont presque inexistantes.


En quoi consiste le métier de bayakou ? Et d'où vient le nom ?


Le bayakou fait la vidange des toilettes en utilisant des moyens rudimentaires comme des sauts servant à transporter la matière fécale pour les déverser dans une fosse préalablement creusée à cet effet, et à proximité. Dans certain cas, il en déverse le contenu dans des barils en métal ou en plastique pour ensuite le vider dans un endroit isolé.

Bayakou, c’est le nom traditionnel de la planète Venus, encore appelée l’étoile du matin. Les vidangeurs tirent leur nom de cette étoile visible clairement dans le ciel à 2h du matin, car c’est à cette heure qu'ils se levaient pour faire leur travail à l’abri des regards.


Dans le temps, beaucoup de mystères entouraient cette pratique et les bayakous eux-mêmes. Les mauvaises langues n’hésitent pas à qualifier ces ouvriers de l'ombre de malfaiteurs à même de nous jeter des sorts si on les taquinait à cause de leur métier. La taquinerie se résumait à rester dans un endroit caché et à crier "Bayakou kou kou". Pour punir ce qui osait les prendre à partie, les bayakous n’hésitaient pas à badigeonner la façade ou la barrière de la maison des personnes indiscrètes. Par peur de ces représailles, les parents s’assuraient que les enfants les plus téméraires soient déjà endormis avant l’arrivée des bayakous. D’ailleurs, ces derniers se pointent toujours assez tard dans la nuit pour ne pas se faire remarquer.


Après 1986, le metier de bayakou allait subir, comme bien d'autres pratiques d'ailleurs, les contrecoups des événements sociopolitiques. Par la force des choses, il a beaucoup évolué et les mentalités avec. En effet, profitant de l’irresponsabilité des autorités sanitaires, des bayakous ont commencé à adopter des heures de travail un peu plus tôt dans la soirée défiant les regards curieux qui jadis les couvraient de honte. Et pire encore, ils n'hésitent pas à déverser le contenu de leurs barils nauséabonds n'importe où, voire dans un espace public quand ils voient apparaitre les premières lueurs de soleil. Une situation qui s'est aggravée avec l'insécurité puisque se rendre à certains endroits isolés, réservés aux décharges, se révèle très risqué ces temps-ci.

Le temps et la modernité n’ont pas fait disparaitre les bayakous. Dans certains quartiers, principalement dans la zone métropolitaine et les bidonvilles d’Haïti, ils donnent encore ce service indispensable puisque bon nombre de familles haïtiennes ne disposent pas de confort moderne.


Insolite

Le 23 septembre 2019, le salon diplomatique du Sénat et l’entrée de la salle de séance du Parlement haïtien ont été badigeonnés de matières fécales par des individus non-identifiés.

Mais, comme dit le proverbe, «On accuse le loup, coupable ou non». Naturellement les bayakous ont été indexés, à tort ou à raison.

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