De quoi demain sera-t-il fait ?

Force est de constater que dix mois après l’assassinat crapuleux de l’ex président haïtien, Jovenel Moïse, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, le pays s’enfonce de plus en plus dans l’incertitude. Les acteurs politiques avides de pouvoir, qui avaient promis monts et merveilles au cas où le président Moïse démissionerait, ont occupé les avenues du pouvoir et oublié déjà les revendications d’hier, lesquelles visaient l’amélioration des conditions de vie de la population haïtienne, fatiguée de porter le lourd fardeau d’une existence pénible. Au moment de mettre sous presse, les écoles nationales s'empressent d'organiser des examens de fin d’année académique. Une fin d'année qui risque d'être hypothéquée une fois de plus. Tout va à la va vite. Rien ne va plus chez Madame la Marquise. Il est bruit aussi que la date des examens officiels, prévue pour la fin du mois de juin et aux premiers jours de juillet 2022, sera avancée de quelques jours, vu le doute qui plane autour de la date du 7 juillet qui ramènera le premier anniversaire du crime de Pèlerin 5.
Il y a quelques jours, l’actualité était dominée par la crise de pénurie de carburant. Des échauffourées ont eu lieu dans les pompes à essence. Le mouvement "Gallon jaune" ressurgit dans le décor. Les automobilistes tournent en rond. Le prix du gallon à essence a augmenté. Celui du propane aussi. Certaines lignes aériennes s’approvisionnent en République Dominicaine. Des camions à essence sont détournés par les bandits de Martissant, au su et au vu des autorités. Le Crash du petit avion sur la route des rails dans la commune de Carrefour, banlieue Sud de Port-au-Prince, qui a fait six morts en avril dernier, allonge la liste des victimes de la tragédie haïtienne. Comme si cela ne suffisait pas, il y a la guerre des gangs dans nombre de quartiers de la capitale. Le robinet éjecte du sang dans la Plaine du Cul de Sac. Le bilan fait état de près de cent morts au sein de la population civile. Des enfants sont traumatisés. Ils risquent de perdre l'année académique tant les pressions et les douleurs sont fortes. Nombreuses sont les familles qui ont laissé la Plaine depuis peu. Elles sont à la recherche d’un ailleurs meilleur. L’on dit que partir, c’est mourir un peu. Ces familles partent sans but. Sans destination.
Dans ce contexte incertain, certains tribunaux sont dévalisés. Des dossiers importants sont disparus. Les acteurs de l’accord de Montana ont repris les discussions avec le PM de facto Ariel Henry. Pour dire quoi en somme? Personne ne le sait vraiment. Cependant dans les avenues du pouvoir, chez l’Oncle Sam, l’on s’étonne que les Haïtiens n’arrivent pas à se parler entre eux. Tout n’a aucun sens chez nous, même dans les petits gestes les plus anodins. Les bus Châtelain Tour, Terra Bus, Capital Coach Line assurant le trajet entre Port-au-Prince et la République Dominicaine, ont dans une note de presse, annoncé vouloir suspendre leurs services en raison de la situation sécuritaire qui existe à Croix-des Bouquets et d’autres quartiers avoisinants. Quelle est la réaction de nos dirigeants face à tous ces drames qui annihilent l’homme haïtien dans sa dignité? Personne ne le sait. Silence de cimetière, voire silence complice.
Entre temps, les prix du panier de la ménagère augmentent à un rythme exponentiel. La vie économique devient plus dure. C’est dans ce climat plein de nervosité que le pays a célébré le 18 mai, la fête du drapeau, symbole de nos fiertés, de nos attentes et de notre quête identitaire. Le gouvernement haïtien via le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique a eu, à l'occasion, comme slogan : "An n rekoud peyi a”. Encore un slogan de plus qui tombe dans nos oreilles fatiguées, car la refondation du pays devrait être entamée depuis bien longtemps. Et c’est à nous tous, fils et filles de ce pays, à qui il revient l’obligation d'honorer la mémoire de nos ancêtres qui s’étaient réunis à l’Archaie, le 18 mai 1803, pour réfléchir ensemble sur la dernière bataille susceptible de régénérer l’homme haïtien qui vivait depuis des décennies dans. les affres de la servitude.
La rédaction