Jovenel Moïse : Un an après

Ce n’est pas la première fois dans notre histoire qu’un président haïtien a été lâchement assassiné. L’on se rappelle en 1915 le sort qui était réservé à Vilbrun Guillaume Sam, lynché, après le massacre des prisonniers dans la plus grande prison civile de Port-au-Prince, par une foule d’haïtiens en colère. Ce qui avait servi de prétexte à la première intervention militaire des Américains en Haïti. Plus de 100 ans plus tard, c’est le président haïtien, Jovenel Moïse qui est assassiné chez lui, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, en présence de sa femme et de ses enfants atterrés.
Malgré son impopularité, le peuple haïtien a reçu la nouvelle avec consternation. Même dans le rang de ceux là qui n’avaient pas aimé le président, cet assassinat avait provoqué une onde de choc, et cela sur tout le territoire national et même dans la communauté internationale. Son épouse Martine Moïse avait reçu des projectiles notamment aux bras, elle a dû, par la suite, voyager pour les États-Unis aux fins de recevoir les soins que nécessitait son cas.
La veillée funèbre au Mupanah était l’occasion pour les partisans du président assassiné d’exprimer leurs regrets et leurs attachements au défunt. Certains laissaient couler sur leurs visages anéantis le fleuve brûlant de leurs larmes. D’autres n’arrivaient pas à contenir leurs sanglots, à peine refoulés. Les funérailles de Jovenel Moïse chantées dans son fief, dans la ville du Cap-Haïtien, se sont déroulées dans le plus grand recueillement et non dans l’indifférence de la population haïtienne malgré son impopularité. Aux yeux de ses partisans, il était considéré comme celui qui avait rêvé de réunir tous les Haïtiens autour d’un même idéal: une nouvelle Haïti.
Un an après l'assassinat du président, l’enquête est dans l'impasse. Même si certains auteurs de ce crime ont été appréhendés, même si l'actuel Premier Ministre, Ariel Henry, a été indexédé, en raison de son contact avec Joseph Félix Badio, l’un des suspects, selon le rapport de la DCPJ. On comprend, d’ailleurs, pourquoi l’ex-première dame Martine Moïse a pris toutes ses distances avec le pouvoir actuel. Elle s’est même abstenue de participer aux activités commémorant le premier anniversaire de l’assassinat de son mari au Musé du Panthéon National Haïtien (MUPANAH) où un mausolée a été érigé en son honneur.
Plusieurs juges dont Mathieu Chanlatte, Gary Orélien, Chavannes Étienne ont refusé de mener l’enquête sur ce crime crapuleux. Ils ont dû abandonner le dossier en raison des persécutions et des menaces qu’ils reçoivent à longueur de journée. Le pouvoir en place garde un mutisme suspect quant à l’avancement du dossier sur le plan juridique.
L’on se demande qui occupe maintenant le portefeuille du ministère de la justice en Haïti. La justice haïtienne est elle en mesure de rendre justice au président et à toutes les autres victimes tombées sous les balles assassines. Aux dernières nouvelles, le Parquet de Port-au-Prince a été plusieurs fois vandalisé. Des dossiers importants sont disparus. Le bâtiment est occupé par des bandits. L‘enquête piétine. Elle risque d’être jetée aux oubliettes. À part le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle qui a avancé la date des examens de NS4 pour faire du 6 juillet une journée de deuil et de remémoration. Et quelques agitations sporadiques par des Jovenelistes dans la presse l’on aurait dit que ce dossier est déjà enterré.
Le président Jovenel Moïse a été assassiné dans des circonstances un troublantes. Il faut que la lumière soit faite sur ce crime pour que plus jamais un tel acte ne se reproduise plus en Haïti. Le président Jovenel Moïse avait eu des ennemis politiques. On le savait. Son programme de gouvernement avait peine à atterrir. On le savait aussi. Ses promesses farfelues auxquelles personne ne croyait avaient soulevé la colère des uns et la hargne des autres. Était-ce les raisons qui ont occasionné ce crime? Et dire que M. Moïse avait promis de taper sur la main des oligarques corrompus et ses adversaires politiques.
Le gouvernement haïtien a commémoré le premier anniversaire de ce crime. Les partisans du défunt, les jovenelistes de première heure vont continuer à faire le deuil, et les jours en Haïti vont continuer comme un long fleuve tranquille. Mais ce qui est agaçant après le crime de Pèlerin 5, c'est que la vie continue de devenir un enfer en Haïti. Les ennemis du Président ont occupé les avenues du pouvoir et ont oublié le sens des combats d’hier.
Jovenel Moïse est mort et enterré. Il est même oublié, à part un lycée qui porte son nom à Côtes-de- Fer, dans le Département du Sud- Est, loin des terres natales du défunt, le Boulevard des trois rivières à Port- de- Paix qui chérissent son souvenir. Le sang du président tué ne doit pas être versé en vain. Comme les autres crimes perpétrés dans le pays. Il n’y a pas lieu de remémorer ni de faire le deuil. Trop de sang a déjà coulé. Il faut que justice soit rendue à la famille du président et à tous ceux qui sont morts dans des conditions révoltantes en Haïti.