La liste de la honte
echoayiti.com

Au cours de l'année 2022, une série de scandales a secoué la société haïtienne, parmi lesquelles les sanctions prises par le Canada et les États-Unis à l'encontre des personnalités politiques et économiques haïtiennes pour "leur soutien financier et opérationnel illicite à des gangs armés, notemment par le blanchiment d'argent et d'autres actes de corruption, ou pour le trafic d'armes et de drogue, ce dans le cadre de l'application d'une résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU, à l'unanimité de ses membres, le vendredi 20 octobre 2022.
La nouvelle des sanctions a eu l'effet d'une petite bombe, surtout dans un contexte où les gangs armés défient les autorités et font régner la terreur via des actes de pillages, de vols, de kidnapping, de viols et d'assassinats en série.
En dehors de ceux qui opèrent à visage découvert, des instigateurs de l'ombre sont enfin démasqués. Ils sont Président, Premiers Ministres, Ministres, directeurs généraux, sénateurs, députés et hommes d'affaires, et abusent de leur statut officiel ou de leur position pour fomenter l'instabilité et saper la démocratie en Haïti, via des réseaux criminels et de gangs, selon les autorités des deux pays.
Ces sanctions mettent à mal l'élite politique et économique du pays jusqu'à renforcer l'image de «l'État voyou» qu'Haïti envoie dans le monde depuis bien des décennies.
Après Jimmy Cherizier, dit Barbecue, chef de G9 et alliés, le seul à être cité nommément par le texte onusien, s'ensuit une liste d'accusés, et non des moindres, que d'aucun qualifie de «liste de la honte». Voir la vidéo
1- Joseph Lambert

Deux fois sénateur de la République (2006, 2008) et ancien président du Sénat (2018, 2021), ex député de la 45e législateur. Il a été au cœur, avec le président Préval, des manœuvres politiques honteuses qui ont écarté le candidat Jude Celestin des présidentielles au profit de Joseph Michel Martelly. Le 5 juillet 2013, il a été accusé par un certain Sherlson Sanon de trafic de drogue. Ce dernier, dit-il, était à la solde de l'élu du Sud.
2- Youri Latortue

Chef du parti Ayiti an Aktyon (AAA), ancien lieutenant des forces armées d'Haïti et ancien commandant de L'ISGPN sous la présidence d'Aristide, est deux fois sénateur de l'Artibonite. Il a été respectivement Président du Sénat et de la Commission Ethique et Anticorruption et est détenteur d'un doctorat en droit à Bruxelles. Le gouvernement américain lui avait déjà interdit l'entrée sur son territoire pour trafic de drogue entre 1995 et 2004, selon des informations disponibles.
3- Gary Bodeau

Un des fondateurs du parti politique Bouclier, est un ancien président de la Chambre basse. Il y a également été deux fois questeur. Il a été interrogé par le juge d'instruction Jean Wilner Morin dans le cadre d'une enquête sur l'assassinat de Alix Mary Junior Gassan, le 24 fevrier 2012, et sur la disparition de Joseph Robert François Marcellot, ancien coordonnateur de la Commission nationale des marchés publics (CNMP). Arnel Joseph, feu puissant chef de gang de Village de Dieu, avait révélé, quelques jours après son arrestation, le 22 juillet 2019, aux Cayes, aux enquêteurs de la DCPJ, ses liens étroits avec Garry Bodeau qui, dit-il, lui était toujours fidèle en étant le premier à s'opposer à ceux qui voulaient l'éliminer.
4- Rony Celestin

Deux fois député (2011 et 2016) et ancien sénateur du Centre du tiers du Sénat, a déjà été indexé dans une affaire de corruption, suite à l'achat par sa femme Marie-Louisa Aubin Célestin (elle-même consule d'Haïti à Montréal) d'une somptueuse villa de 4,25 M$ à Laval, Canada. La propriété a été payée en entier d'un seul coup, sans hypothèque. Comme c'est la pratique en Haïti, il a été, après une enquête, lavé de tout soupçon de corruption par l'ULCC qui, elle-même, n'est pas en odeur de sainteté.
5- Richard Hervé Lénine Fourcand

Le nom de l'homme d'affaires et ancien sénateur du Sud, Richard Hervé Lénine Fourcand a été, plusieurs fois, associé à des scandales parmi lesquelles l'extraction de force d'un conducteur en contravention avec la police en 2016, la saisie d'armes et de munitions par les autorités douanières et policières, à Saint Marc. Son nom est également figuré dans la liste des quatorze familles qui importent des armes en Haïti, selon le commissaire du gouvernement des Cayes, Me Ronald Richemond.
6- Michel Martelly

Ancien président d'Haïti (2011-2016). Son mandat est éclaboussé par une série de scandales dont ceux de Petrocaribe, de pots-de-vin d'un montant de 2,6 millions de dollars qu'il aurait reçu, selon le journaliste Nuria Piera, via des intermédiaires du richissime Sénateur dominicain, Felix Bautista, en vue de l'obtention de juteux contrats après le séisme du 12 janvier et l'achat, d'une luxueuse maison de plage en Haïti pour 9 millions de dollars alors qu'ils étaient en faillite en 2010 au point que trois maisons qu'il avait achetées, en Floride ont été confisquées par des banques pour non-paiement, avait indiqué Miami Herald. Musicien, il a popularisé l'expression «bandit légal».
7- Laurent Lamothe

Entrepreneur et ancien Premier ministre sous Martelly (2012-2014) a déjà été accusé de corruption dans la gestion des fonds Petrocaribe. En octobre 2021, son nom est cité dans un vaste scandale de fraude et d'évasion fiscale, à très grande échelle, connu sous le nom de "Pandora Papers". Il est surnommé "Nèg estad la" par le malice populaire pour les 25 stades qu'il dit avoir construits avec l'argent de Petrocaribe sans que personne ne voit leurs traces. Son père, Louis G. Lamothe, docteur en littérature espagnole, est le fondateur de l'institut Lope de Vega.
8- Jean Henry Céant

Deux fois candidat à la présidence sous la bannière du regroupement politique «Renmen Ayiti» en 2010, 2015 et 2016. En Août 2018, il est nommé comme chef de gouvernement sous Jovenel Moïse et renversé six mois après par la chambre des députés lors d'un vote d'une motion de censure dans le cadre d'une séance pour le moins controversée.
9- Gilbert Bidio

Homme d'affaires d'origine juive et ancien consul honoraire d'Israël en Haïti, est décrit comme un milliardaire et l'homme le plus riche d'Haïti et de la région. Sa fortune a été estimée à plus de deux milliards de dollars par le fameux magazine Forbes. Il vit à Indian Creek Village, dans la baie de Miami, l'un des quartiers les plus riches au monde où il n'y a quelques dizaines de maisons. Il a été déjà sanctionné par les Etats-Unis pour son soutient au coup d'État contre le président Jean Bertrand Aristid en 1991, et son nom est également associé au scandale de Pandora Papers.
10- Reynold Deep

Il fait partie des 12 hommes les plus influents d'Haïti, a révélé le journal dominicain Listín Diario. Il est l'un des principaux importateurs d'Haïti, et a investi dans d'importantes entreprises en République dominicaine.
11- Shériff Abdallah

Homme d'affaires d'origine égyptienne, investit dans le gaz à travers Novum, les compagnies assurances (ALSA) et dans les supermarchés dont il est le plus grand distributeur. Il loue des hélicoptères notemment à l'État haïtien dont le coût s'élève à 38400 dollars américains pour une journée, soit 1600 dollars par heure. Une autre forme d'enrichissement illicite sur le dos de l'État, selon plus d'un.
12-13 Berto Dorcé et Listz Quitel

Respectivement anciens ministres de la Justice et de l'Intérieur du gouvernement d'Ariel Henry. Le premier est un repris de justice ayant été arrêté, en 1997, dans une affaire liée au trafic de drogue, alors qu'il était juge de paix suppléant de Miragoâne. Il a été indexé comme drogue dealer dans un article de «New York Times», le 12 décembre 2021. Et le second a été surnommé «nèg kidnapin nan». Liszt Quitel, qui occupait les portefeuilles, à la fois du Ministère de l'Intérieur et de la Justice, aurait fait kidnapper, en date du dimanche 3 octobre, dans l'enceinte de l'église Jesus Center, le pasteur Jean Ferret Michel qu'il a reproché d'avoir entretenu une relation amoureuse avec sa femme Barbara Quitel, selon le RNDDH. Rappelons que ces deux ministres siégeaient au Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) comme vice-présidents.
14- Romel Bell

L'ancien directeur général de l'Administration générale des douanes à été sanctionné par l'administration américaine le 9 décembre, à l'occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption, et à la veille du 10 décembre, journée internationale des droits humains. Le 20 mai 2022, il a été l'objet d'une enquête par l'UlCC pour corruption et trafic d'armes.
15- Arnel Belizaire

Ancien député (2011-2015) de Delmas-Tabarre dont les prises de positions sont souvent critiquées, en raison de son attitude de caméléon en politique. Entre 1995 et 2019 et jusqu'à sa libération en 2021, il a connu diverses déboires avec la justice haïtienne. Le mercredi 30 mars 2022, l'ancien élu a été atteint de 4 projectiles, à Carrefour Péan, non loin du quartier Bel Air, en marge d'une manifestation contre l'insécurité.
16- Charles (Kiko) Saint-Rémy

Beau-frère de l'ancien président de Michel de Martelly, c'est l'homme daffaires qui serait passé de trafic de stupéfiants à celui d'anguilles, un marché lucratif estimé à plus d'un millions de dollar par année, et identifié comme un canal de blanchiment de fonds, selon plus d'un. Avec cet homme d'anguilles, il y a bien anguilles sous roche, dit-on. Il a été dénoncé par le RNDDH pour son implication dans le narcotrafic en complicité avec le «Gang Galil». Selon un article de New York Times en date du 15 décembre 2021, Kiko Saint Rémy faisait parti d'une liste de trafiquants de drogue et d'armes présumés que le feu président Jovenel Moïse s'apprêtait à communiquer aux autorités américaines avant son assassinat en juillet 2021.
17- Jocelerme Privert

Jocelerme Privert est un ancien président provisoire de la République d'Haïti du 14 février 2016 au 7 février 2017 jusqu'à la prise de fonction de Jovenel Moïse, élu le 29 novembre 2026. Privert a été élu ce poste, après la fin du mandat du président Joseph Michel Martelly, par le Sénat de la République et la Chambre des députés réunis en assemblée. Il a été également Directeur général des Impôts août1995-1999, ministre de l'Intérieur et des Collectivites territoriales dans le gouvernement d'Yvon Neptune en mars 2002, sénateur du département de Nippes en 2011 jusqu'à son élection à présidence du Sénat le 14 janvier 2016. En avril 2004. Privert est arrêté sur ordre du gouvernement provisoire dirigé par Gerard Latortue, à la suite du coup d'État du 29 février de la même année, contre le président Jean-Bertrand Aristid, en raison de sa participation présumée à un massacre à Saint-Marc. L'ancien locataire du palais national a été conduit au Pénitencier national où il reste détenu jusqu'à sa libération le 16 juin 2006.
18-Salim Succar

Salim Succar est un avocat ayant une expertise dans les domaines du droit des affaires, de la police, des finances, du droit des sociétés et du droit pénal. Il a été désigné comme expert Haïtien par l'Organisation des États États américains (OEA) et par l'Organisation des Nations-Unies (ONU). Il a aidé dans l'élaboration du projet de loi de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en Haïti voté au parlement. Il a aidé de nombreuses entreprises à s'installer en Haïti, parmi lesquelles Delta Airlines, JetBlue Airways, Décameron. Me Succar a été chef de Cabinet adjoint du président Michel Joseph Martelly et chef de cabinet et conseiller juridique principal et conseiller spécial du Premier Ministre Laurent Lamothe. Associé Gérant du Cabinet Lissade à Port-au-Prince et contributeur de la publication annuelle «Doing Business» de la Banque Mondiale, il est consul honoraire de la Pologne en Haïti.
Toutes ces personnes sanctionnées ont vu leur visa respectif annulé et les avoirs qu'ils détiennent aux États-Unis et au Canada bloqués et gelés. Elles sont interdites de voyager ou de transiter par ces pays. D'autres pays comme ceux de l'Union européenne entendent les sanctionner aussi.