La soupe joumou haïtienne inscrite au patrimoine culturel immatériel de l'humanité

La traditionnelle soupe joumou haïtienne, connue pour sa dimension historique et ses valeurs nutritives, a vu sa consécration avec son inscription officielle au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Agence culturelle des Nations-Unies (l'UNESCO), lors de sa 16e session intergouvernementale, le jeudi 16 décembre.
"Notre "soupe joumou" fait désormais partie du patrimoine culturel et immatériel de l'humanité." La "soupe joumou" appartient maintenant à l'humanité", c'est en ces termes que le plus ancien quotidien haïtien, Le Nouvelliste a fait écho de l'annonce de l'agence des Nations-Unies qui a inscrit la soupe joumou d'Haïti sur la liste représentative du patrimoine de l'humanité. Cette nouvelle a été saluée par de nombreux chercheurs et spécialistes y compris le peuple haïtien en général, qui y voient non seulement la reconnaissance de notre histoire, mais aussi une consécration de l'art culinaire haïtien.
"C'est une inscription dont nous sommes fiers car elle marque la reconnaissance de la communauté internationale à l'égard du patrimoine haïtien tant la soupe joumou est liée à l'histoire du pays et aux héros et héroïnes de l'indépendance", à écrit Audray Azoulay, directrice de l'UNESCO. Selon l'ambassadrice d'Haïti à l'UNESCO, Mme Dominique Dupuy, "ce moment historique appartient à tout le peuple haïtien, lui-même porteur et gardien de ce patrimoine tissé dans son ADN, symbole ultime de la lutte contre l'esclavage, contre le colonialisme, contre le racisme, aujourd'hui hissé à ce noble registre de l'humanité", a-t-il soutenu lors de son intervention, tout en exprimant, au nom de la République et avec grande émotion, sa reconnaissance envers tous les états membres de l'UNESCO, les amis d'Haïti, pour leur solidarité sans équivoque, ainsi que celle du secrétariat et de la directrice générale.
Selon Kesner Bien-Aimé, spécialiste en patrimoine, une telle avancée apportera bien des avantages à Haïti en ce sens qu'elle contribuera à mieux positionner l'art culinaire haïtien sur la scène culturelle mondiale. "Sur le plan de la représentation d'Haïti sur la scène culturelle mondiale, les retombées sont en cours. À bien observer les espaces médiatiques, beaucoup de médiateurs du patrimoine se l'approprient et se positionnent déjà pour faire vivre durablement cette magnifique image de l'art culinaire haïtien" a-t-il affirmé.
Par ailleurs, le spécialiste a déclaré que l'approbation à l'unanimité de la soupe joumou par le comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est bien méritée. Car le dossier de candidature d'Haïti a répondu à tous les critères de sélection qui étaient au nombre de cinq. C'est ce que reconnait, d'ailleurs, l'ambassadrice de la Suisse Muriel Berset Cohen. "Si aujourd'hui nous acceptons la candidature de la soupe au giraumon sur la liste, ce n'est pas par générosité en raison des circonstances exceptionnelles que traverse Haïti, mais c'est à cause de la qualité du dossier. Les critères ont été respectés, et cela il faut le souligner..." Et Mme Dupuy a précisé que c'est l'une des rares fois à l'UNESCO qu'un pays a déposé un dossier modèle dès sa première soumission qui a respecté les cinq critères de sélection. Et ce dossier comporte une fiche technique de candidature d'une cinquantaine de pages avec une vidéo de 10 minutes et des supports communautaires que nous avons reçus des associations communautaires en Haïti que nous avons contactées, a-t-elle souligné.
Cette victoire a été le fruit d'un long travail d'engagement public à confié M. Kesner Bien-Aimé. Et trois institutions publiques, dit-il, ont conjugué leurs efforts pour conduire le dossier d'inscription soumis par l'État haïtien. Il s'agit du ministère de la culture, de la Commision nationale haïtienne de coopération avec l'UNESCO et de la délégation permanente d'Haïti auprès de l'UNESCO à Paris. Sans oublier l'apport des communautés.
D'où nous vient cette tradition
La tradition de préparer et de déguster le jour du nouvel an en Haïti de la soupe joumou, appelée également soupe à la citrouille, soupe du 1e janvier ou souple de l'indépendance, remonterait au lendemain de la proclamation de l'indépendance, le 1e janvier 1804, quand Jean Jacques Dessalines, sous l'instigation de son épouse, Marie-Claire Heureuse Félicité Bonheur, décréta que cette soupe est la soupe nationale. Composée de giraumon, de bouillie de viande et d'autres légumes, il était interdit aux esclaves d'en consommer, car jugée trop délicieuse et surtout trop riche pour ces non civilisés, alors que c'étaient eux qui la préparaient. Et depuis, on se la réapproprie et elle est devenue notre symbole de liberté, de fraternité et de cohésion pour répéter l'ambassadrice Dominique Dupuy qui se félicite d'avoir beaucoup œuvré pour que notre soupe joumou soit intégrée sur la liste des patrimoines culturels immatériels de l'humanité avant le premier janvier 2022, date qui marquera 217 ans de l'existence de l'État d'Haïti.
La soupe joumou exige un longtemps temps de préparation et sa recette varie d'une époque à une autre, d'une région à une autre, voire d'un foyer à un autre, selon les goûts. Mais le giraumon, la carotte, la viande en constituent les ingrédients de base, entre autres. Elle est servie toute fumante, à la réveille ou tôt le matin, et elle se partage entre familles, voisins et amis. Il existe des associations ou organisations comme la fondation Félicité bonheur de Bayina Bello qui en font la promotion chaque année.