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Le viol en Haïti où en sommes-nous ?

Dernière mise à jour : 25 avr. 2022

echoayiti.com

Le viol est un phénomène social ou un problème largement répandu à travers le monde. Chaque jour, un nombre incalculable de personnes est victime de viol au travail, sur le lit, sous le toit conjugal, dans les familles, les copinages et entre amis. Le viol est mondialement considéré comme un acte criminel qui est sévèrement sanctionné par les légalisations nationales.

L’intérêt pour lutter contre le viol aujourd’hui est multiple et complexe surtout dans un environnement jalonné par les facteurs suivants: la défaillance du système juridique, la vulnérabilité économique des victimes, la notoriété des présumés coupables, l’insuffisance d’encadrement psychosocial des victimes et l’absence de volonté institutionnelle contre le viol de manière générale.

En Haïti, il existe plusieurs infractions liées aux abus, aux agressions et à l’exploitation sexuels. Il existe une pluralité d’infractions en rapport avec le sexe. Ainsi, en Haïti, il y a le décret du 6 juillet 2005 qui a modifié le régime des agressions sexuelles et a éliminé en la matière les discriminations contre la femme. Ce décret a été le fruit d’une lutte acharnée des défenseurs et militants pour le respect des droits de la femme en Haïti, car avant, l’époux bénéficiait d’une excuse légale pour l’infraction de viol et le meurtre sur la femme qui a commis l’adultère sous le toit marital.

En effet, il n y a pas une définition légale haïtienne du viol en tant qu’infraction cependant, il est défini par l’article 222-23 du Code pénal français comme: «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise». Le viol est une infraction qui devrait être identifié et défini avant d’être sanctionné, or le législateur l’a sanctionné sans avoir défini ce qu’est le viol en réalité. De surcroit, il n’existe aucune définition du viol dans le code pénal haïtien mais de l’agression sexuelle. En effet, le chapitre des agressions sexuelles du code pénal haïtien donne une définition énumérative de ce qu’est l’agression sexuelle à l’article 2 du décret du 6 juillet 2005 modifiant le régime des agressions sexuelles du Code pénal en ses articles 278 et suivants: «Quiconque aura commis un crime de viol, ou sera coupable de toute autre agression sexuelle consommée ou tentée avec violence, menace, surprise ou pression psychologique contre la personne de l’un ou de l’autre sexe, sera puni de dix ans de travaux forcés».


Une agression sexuelle est perçue comme tout geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou, dans certains cas, par une manipulation affective ou par du chantage. En résumé, tout acte réalisé contre la volonté d’un individu ou tout acte visant à assujettir une autre personne à ses propres désirs sexuels par un abus de pouvoir, par l'utilisation de la force, de la contrainte, sous la menace implicite ou explicite. Par précision, le viol peut être commis entre époux, conjoints, concubins, collègues et simples amis dans une maison, à la piscine, dans la chambre, dans un hôtel ou n'importe où.

Une agression sexuelle porte atteinte aux droits de l’homme plus précisément aux droits à l'intégrité physique et psychologique et à la sécurité de la personne, lesquels droits sont reconnus par les conventions internationales ratifiées par Haïti.

Par ailleurs, en absence d’une définition légale du viol, jusqu’à présent les juges n’ont pas encore donné une définition pourvu que la jurisprudence pourrait dans une certaine mesure apporter des définitions dans le cadre de l’application de la loi. Tel est le cas dans l’arrêt du 24 mars 2014 de la Cour de cassation sur l’absence de mention des questions résultant de l’acte d’accusation en matière de viol (CCass, 1ere section, 24 mars 2014, RG4937-4663).


En effet, le Code pénal haïtien fait une classification en trois parties des peines contre l’infraction viol ou toute autre agression sexuelle. D’abord, le viol réalisé entre deux personnes majeures ou de plus de 15 ans sans aucun lien de subordination sera puni de 10 ans de travaux forcés selon l’article 278 du Code pénal haïtien, Ensuite, si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis, le coupable ou la coupable sera puni (e) de quinze ans de travaux forcés selon l’article 279 du même Code. Enfin, l’article 280: «la peine sera celle de travaux forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l’agression ou qui abusent de l’autorité que leur confèrent leur fonction ou si la personne coupable, quelle qu’elle soit, a été aidée dans son crime, par une ou plusieurs personnes, ou si la mort s’en est suivie».


Le législateur reconnait une sanction plus sévère de l’auteur du viol, toutefois qu’il/elle a une autorité sur la personne victime en accordant la condamnation à perpétuité à l’auteur de l’infraction. Dès qu’il existe des rapports de subordination particulièrement dans le milieu du travail, dans les églises, dans les écoles, dans l’administration publique ou dans le sport entre autres, l’infraction criminelle de viol sera punie de travaux forcés à perpétuité, c’est-à-dire l’auteur aura à passer le restant de sa vie en prison.


De surcroit, les victimes de viol n’ont toujours pas le courage de dénoncer ou de porter plainte contre les présumés coupables en raison de leurs notoriétés, de leurs capacités de répression et la présomption de moralité dont ils jouissent dans la société. Les moyens mis en place pour protéger les victimes sont quasi absents et la vigilance des autorités judiciaires et policières sont presqu’au point mort.


En effet, la victime de viol peut porter plainte devant le Commissaire du Gouvernement qui est le chef de la poursuite pénale ou devant le Cabinet d’instruction avec constitution de partie civile ou sur simple déclaration de police en cas de flagrance. Par contre, il est souvent très difficile de procéder à l’arrestation du présumé coupable en raison des problèmes liés à l’aménagement du territoire, au contrôle d’identité et à la faiblesse de l’Etat.

Par-dessous tout, la Justice donne une voie de droit au condamné d’exercer un recours contre la décision qui lui fait grief. Ainsi, tout condamné pour viol par le Tribunal criminel (assise criminelle) sans assistance de jury peut exercer un pourvoi en cassation contre le jugement prononcé.


Somme toutes, il faut reconnaitre que beaucoup d’efforts sont consentis surtout par les acteurs non étatiques pour combattre le viol, les abus sexuels et l’exploitation sexuelle dans les différentes sphères de la vie sociale en Haïti. Des pasteurs, des jeunes, des patrons et des autorités sont impliquées dans des cas de viol, cependant une bonne partie vit au quotidien sans aucune contrainte soit par le silence conditionné des victimes ou par l’inaction totale de l’Etat à mettre l’action publique en mouvement contre les auteurs de ces infractions.


Si vous êtes victime d'agression sexuelle, n'hésitez pas à porter plainte contre la personne qui sera jugée par un Tribunal criminel. La règle est simple, pas d’aventures sans la volonté de l'autre.

Me Lacks-Guvens CADETTE

Avocat au Barreau de Port-au-Prince


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