Litanie de douleurs pour Josette fils Desanclos, Sarahdjie Desanclos et Sherwood Sondjie Desanclos

Vous êtes toutes les trois parties dans la douceur de l'aube, dans le vacarme tragique et douleureux de la ville de Port-au-Prince où vous avez tissé entre mère et filles, femmes de même sang, de même eau, mille et un projets sans oublier des rêves et des rires à peine refoulés.
Vous n'avez même pas commencé à vivre quand la mort vous a surprises au matin du 20 août 2022 brutalement toutes les trois dans la même voiture, tuées et brûlées à vif. Vos cadavres ont fait le tour des réseaux sociaux. L'on restait groggy, atterré, la douleur coincée dans un coin de la gorge et l'on sentait un pincement au cœur. La souffrance nous étreint dans l'âme et nous laisse orphelins à jamais.
Quelque part en nous, il y a un vide qui se creuse comme une vive blessure. Comme une plaie béante à chaque fois que nous pensons à vos rêves qui sont escamotés, galvaudés sous des balles assassines.
Un père qui pleure à la fois une femme et ses deux enfants. N'est-ce pas une litanie de douleurs. Une vie qui ne mériterait pas d'être vécue. Vos vies se sont éteintes comme une promesse non tenue, comme des coeurs déchirés qui se brisent. Elles ressemblent comme disait Aragon "comme des soldats sans armes qu'on avait habillé pour un autre destin. À quoi peut leur servir de se lever le matin. Eux qu'on retrouve au soir désœuvrés, incertains, dîtes ces mots ma vie mais retenez vos larmes, il n'y a pas d'amour heureux". Et nous avons vu depuis et à chaque fois des larmes versées à profusion pour dire toute la douleur d'un pays qui se désagrège et qui disparaît à chaque fois qu'il y a ce genre de crime à grands pas sous yeux.
Depuis longtemps déjà nous sommes fatigués de faire le décompte de nos morts. Les assassins courent la ville, s'emparent et disposent de nos vies et font de la ville le tombeau de nos vies. La vie dans cette ville endeuillée est un long cauchemar s'enroule dans un long tunnel et personne ne sait ce qu' adviendra de demain et même de l'instant présent tissé d'incertitude et d'angoisse irrépressibles. Et vous le saviez ou vous vous étiez rendue compte que votre vie Sarahdjie et Sherwood pourrait avoir un meilleur sort ou un meilleur destin sur une terre étrangère. Mais vous avez compris après coup que votre pays avait besoin de vos jeunes bras pour se redresser. Et voilà que vos bras sont cassés et ce même pays recueille vos dépouilles qu'elle ne peut enterrer.
L'on a beau tuer vos rêves en ce matin de l'Aube taché de sang mais l'on ne saura malgré tout tuer les rêves de tous ces enfants qui grandissent et qui sans le comprendre laissent grandir l'espoir dans l'espace ardent de leur cœur.
Vos vies s'éteignent Ici pour être illuminées ailleurs sur des cieux plus grands, plus beaux et plus clements. Puissiez vous trouver l'amour que vous aviez tant cherché dans le regard de vos assassins et dans celui de ceux que vous avez croisé sur cette terre. Sur votre simple chemin.
Mais avant de vous laisser et pour ne pas donner raison à vos assassins, il faut vraiment mourir pour se rendre compte de sa présence. Et heureusement qu'il y a la mort...