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Quel devarit-être Le rÔle de l'intellectuel dans une société?

À Yves Lafortune, que j’appelle affectueusement «grand frère».

echoayiti.com

J’aimerais t’adresser ces petits mots pour faire suite à notre brève conversation téléphonique, il y a quelques jours concernant le concept «intellectuel». C’était, certes, une conversation privée, mais je pense que vu son importance, un tel sujet mérite d’être débattu dans l’espace public.


Le concept «intellectuel», depuis l’affaire Dreyfus en France, fait toujours l’objet de controverses au point de vue de sa signification. Il est tantôt compris comme quelqu’un qui détient une tonne de savoirs, tantôt comme quelqu’un qui intervient dans l’espace public. Chez nous, en Haïti, l’intellectuel a un sens très péjoratif, étant perçu comme un être illuminé, un idéaliste, un francophile patenté, un colonisé singeant son colon. Et c’est dans la foulée de cette «crise de sens» que je vais me positionner sur la question.


Pour moi, être intellectuel, ce n’est pas à confondre avec le savant ou le spécialiste. L’intellectuel n’a rien à voir avec l’académie. Ainsi, être intellectuel est une responsabilité sociale, un engagement. C’est, en effet, ce capital symbolique qui vous permet de déranger l’ordre social par vos prises de position publique, et en même temps, d’être capable d’influencer cet ordre social par des idées lucides et nuancées. Donc, l’intellectuel est un porte-étendard, une sentinelle, qui met la société en alerte face aux dangers imminents et lointains.


Cela étant dit, être intellectuel, loin de la conception vulgaire haïtienne de la question, c’est avoir la capacité de joindre la pensée à l’action, dans une logique de transformation sociale. L’intellectualisme est, en ce sens, une forme de praxis, au sens marxiste du terme. Il ne suffit pas de penser le monde. Il faut le transformer. La transformation de la société haïtienne, voilà le défi que doit relever l’intellectuel haïtien. Et comment relever ce défi? L’intellectuel doit pouvoir répondre à cette question.


Toujours dans la logique de l’action et de l’engagement, l’intellectuel a aussi un rôle fondamental à jouer quant au changement de mentalité et des comportements. Il doit être capable de jouer sur les leviers culturels pour influencer, voire déconstruire les mentalités et les idées toutes faites. Ce processus de déconstruction passera par la diffusion et la transmission des idées, du moins par l’enseignement de la raison aux individus. L’intellectuel a un rôle hégémonique (au sens de Gramsci) dans la société.


Donc, face à cette société en perte de repères, de souffle idéologique, cette société bloquée, incapable de se projeter de manière optimiste vers l’avenir, l’intellectuel doit être susceptible de mobiliser une parole, un nouveau paradigme pour l’action. Les sociétés se pensent d’abord, et se transforment ensuite. Et la transformation sans la pensée s’avère une catastrophe. Tout le chantier qui attend l’intellectuel haïtien, c’est celui d’une nouvelle pensée, capable de propulser la société vers de nouvelles rives - des rives plus magnanimes.


À la question, suis-je un intellectuel ? Non, je ne le suis pas encore, malgré mon ostination à vouloir l’être et le devenir. D’ailleurs, je suis tout aussi loin du pays «tangible » que de l’idée de l’engagement que l’entreprise intellectuelle requiert. À la question, si je veux m’engager politiquement (dans/pour ce pays), c’est là que ma réponse sera affirmative.


Bien à toi grand frère!


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