Transfert de Yonyon vers les USA: signal fort contre les malfrats ou diversion à l'américaine?
echoayiti.com

Le transfert vers les États-Unis d'Amérique, le mardi 3 mai 2022 du puissant chef de gang et numéro 1 de l'organisation criminelle "400 Marozo", Germine Joly, alias Yonyon, a eu l'effet d'une bombe en Haïti, surtout dans un contexte de recrudescence des actes de banditisme dans diverses régions de la capitale. Il est accusé de complot et de violation des lois des États-Unis sur l'exportation et la contrebande des armes, d'importation d'armes de guerre, enlèvement suivi de séquestration contre rançon de citoyens américains. Toutefois, plus d'un se demande, et ce avec raison, si ce transfert ne participe pas d'un deal entre les deux pays pour s'attaquer aux malfrats qui alimentent l'insécurité généralisée en Haïti, ou s'il ne cache pas une manœuvre de diversion de la part des États-Unis...
Le mardi 3 mai 2022, la nouvelle de l'annonce du transfert de Yonyon a fait tache d'huile et des photos le montrant escorté par des agents du FBI ont fait le tour des réseaux sociaux. Selon une note publiée sur le compte Facebook de la Police Nationale d'Haïti, la remise du chef de gang aux autorités américaines rentre dans le cadre d'une entraide judiciaire entre les deux pays. Un mandat international a été émis contre lui, le 22 avril 2022, par le tribunal de District des USA pour le District de Columbia avec pour chefs d'accusation des faits sus-cités. Il a été présenté, mercredi devant son juge, Robin M. Meriweater, qui a ordonné de le placer en détention attendant la suite de la procédure judiciaire, après que Matthew M. Graves, procureur des États-Unis pour la district Columbia et George Piro, agent spécial en charge du bureau local du FBI de Miami, lui ont signifié l'acte d'accusation contenant 17 pages.
Selon toute vraisemblance, ce transfert est survenu suite à une série d'arrestations réalisées aux États-Unis au cours de l'année 2021 où trois résidents de Floride dont Eliande Tunis, un citoyen américain, Jocelyn Dor et Walder Saint Louis, deux ressortissants haïtiens, sont accusés d'avoir introduit clandestinement des pistolets, des armes de poing, des fusils de types AK-47, AR-15 et un de type sniper Barrett, modèle 82 A1 de calibre 50 dans des barils depuis le Sud de la Floride jusqu'au gang 400 Marozo, dirigé par Yonyon et Lanmò san Jou. Le premier commanditait des actes de kidnapping à partir d'un téléphone cellulaire non surveillé, depuis sa cellule, au Pénitencier National où il est incarcéré depuis 2015, notamment ceux des missionnaires chrétiens américains, le 16 octobre 2021. En complicité avec certains policiers de l'APENA qu'il paye régulièrement.
À travers cette démarche, le gouvernement américain cherche sans doute à remonter jusqu'aux barons du trafic d'armes, ainsi qu'aux auteurs intellectuels de kidnapping, y compris leurs complices, qui opèrent en toute impunité, en Haïti, et très souvent avec la complicité des officiels du pouvoir. Arrivé là-bas, Yonyon serait obligé de passer à tabac, c'est-à-dire, de tout dévoiler, car il risque gros, surtout pour l'enlèvement des missionnaires chrétiens. Les USA ont la réputation de ne pas plaisanter avec ceux qui touchent ou attentent à la vie de leurs citoyens, où qu'ils soient. C'est pas comme chez nous. Ce qui laisse présager d'autres surprises quant au démantèlement du réseau de mafias, de tout poil, qui alimentent cette insécurité généralisée avec son cortège de victimes, et d'éventuelles arrestations, voire d'extradition, dans les jours à venir au rang des nantis. C'est déjà la panique dans la Cité. La peur commence, semble-t-il, à changer de camp.
Une source a révélé au journal Miami Herald que l'exacerbation du conflit armé dans l'arrondissement de la Croix-des-Bouquets a accéléré le transfert de Yoyon d'autant plus que des rumeurs laissant croire qu'une évasion se préparait à la prison civile de Port-au-Prince, et l'on craignait qu'il ne connaisse pas le même sort que l'ex chef du Village de Dieu, Arnel Joseph, abattu par la police, le 16 février 2021 alors qu'il était, lui aussi, dans le collimateur de la justice américaine. D'ailleurs, Lanmò San Jou, le numéro 2 du gang craignait pour la vie de son chef, quelques jours avant son extradition, à travers une vidéo.
S'il est vrai que le transfert de Yonyon se révèle un coup dur pour le gang de "400 Marozo" et ses complices de haut rang, on doit, tout de même, rester très prudent quant à la volonté du gouvernement américain d'aider à endiguer ce phénomène en Haïti. Certains y voient une manoeuvre de diversion pour avoir plus d'emprise sur les prochaines élections via le contrôle de certains candidats véreux dont ils sont souvent les patrons.
Quoi qu'il en soit, on est dans une sorte d'imbroglio politique à l'américaine, dont seulement les autorités américaines et les stratèges de l'ombre, sans scrupules, ont le secret, et cela comme d'habitude. Les Seigneurs de guerre oublient toujours qu'ils sont des pions dans un jeu macabre, et on s'en débarrasse férocement le moment venu. Et la population est sceptique. Exténuée et prise entre les feux des groupes rivaux qui se disputent plus de territoires, elle ne demande qu'à vivre en paix en vue de son mieux-être. Seul le temps lèvera le voile...
Junior Antoine